lundi 12 mars 2012

Jérôme Pintoux: Une plume à réveiller les auteurs morts (Centre Presse)











L'ex-prof Jérôme Pintoux écrit inlassablement. Au point de faire parler les auteurs disparus dans son étonnant livre "Interviews d'outre-tombe".

C'est une saine démangeaison qui n'a jamais quitté Jérôme Pintoux. Celle de gratter sur des feuilles de papier, de critiquer, d'imaginer, mais toujours stylo à la main. « J'ai besoin du stylo. Après seulement, je recopie sur ordi » L'ex-prof de français au collège France-Bloch-Sérazin de Poitiers reste en somme « de la vieille école ». Il parle doucement. Crâne dégarni, regard doux, ce jeune retraité d'origine niortaise sait bien qu'il est un grand timide, incorrigible introverti. Oui, mais au royaume de l'écriture, Jérôme Pintoux est un dur. De ceux qui noircissent les pages comme on nourrit une obsession plus que gourmande. Vorace.


"J'ai interviewé Balzac 46 fois, Zola 28 fois... Ces gens-là me paraissent bien vivants"


Pigiste bénévole pour des magazines de musique (« Jukebox ») ou de cinéma (« Brazil »), il se souvient de ses 17 ans et du journal de bord d'un séjour londonien où il assista aux premiers concerts de groupes anglais devenus mythiques comme The Nice ou Spooky Tooth. « Vingt ans plus tard, j'ai voulu en faire un roman en y rajoutant des faux rêves et des rencontres fictives avec les gloires rock de l'époque, comme Syd Barrett ou Jimi Hendrix... » Des rencontres fictives. Même si d'autres l'ont déjà testée, l'idée reste audacieuse. Peu à peu, elle va faire son chemin. Jusqu'à valoir aujourd'hui à Jérôme Pintoux son premier livre, sorti récemment aux éditions JBZ et Cie. Mais dans un registre plus classiquement littéraire que musicalement pop. Car dans ce surprenant « Interviews d'outre-tombe », ce sont bien les auteurs morts que l'ancien prof de français fait parler. Sans table, sans boule de cristal et sans don de médium mais au fil de brefs et étranges entretiens (77 au total, pour cette fois) de l'antiquité au XIX avec, entre autres illustres exemples, Homère, Rabelais, La Fontaine, Molière ou Victor Hugo...


Du mal avec Duras et les libertins


Forcément, le décalage est explicitement cultivé. Mais la part purement morbide se résume au titre du livre. Et la démarche, qui n'oublie pas des auteurs moins connus, reste d'abord didactique. « Les réponses sont basées sur les écrits de l'auteur. Ma part d'invention est réduite au questionnaire », affirme l'ancien enseignant qui, au total, a déjà couché sur papier quelque 1.735 interviews ramenées de l'au-delà! « J'ai interviewé Balzac 46 fois, Zola 28 fois... Ces gens-là me paraissent bien vivants. Ce qu'a écrit La Fontaine, par exemple, n'a pas vieilli. » Fatalement, certains auteurs l'ont plus inspiré que d'autres: « J'ai eu du mal avec Marguerite Duras, ou avec les libertins du XVIII siècle. Je trouve plus simple de questionner ceux qui ont fait de certains personnages un peu leur porte-parole. Rastignac pour Balzac, ou Etienne Lantier pour Zola, par exemple... »


Radio et conférence


Son livre a déjà valu à Jérôme Pintoux d'être invité d'une émission de France Culture, d'animer une conférence « à deux voix » (avec un comédien) lors du récent festival « Voix Publiques », de préparer pour cet été une série de chroniques pour Radio Accords. Certes, les milliers d'interviews fictives encore en suspens ne seront sans doute pas toutes éditées. Mais leur auteur assume humblement leur existence: « Claude Chabrol disait à propos de ses films qu'il entassait des briques. A mon niveau, c'est un peu pareil: je n'ai pas l'impression de faire une oeuvre, juste de construire un mur. »


Interviews d'outre-tombe (confessions des classiques de Lagarde et Michard), Jérôme Pintoux, éditions JBZ et Cie, 208 pages, 14,50€.
Frédéric Delâge


http://www.centre-presse.fr/article-187197-une-plume-a-reveiller-br-les-auteurs-morts.html



Aucun commentaire: